lundi 24 novembre 2014

Concevoir une médiation face-public (7) : Décrire une médiation : quel niveau de détail ?

Le scénario décrivant une médiation peut être très léger - des fois trop ;-)
Il existe des différences importantes entre tout ce qu'un concepteur doit imaginer pour une future médiation face-public et ce qu'il doit livrer concrètement pour la formation des médiateurs et l'exploitation de l'offre.

Quand le concepteur pense : « je vais dire ça et montrer ça … et le public va réagir comme çi ou comme ça », doit-il en faire mention dans les outils qu'il va donner aux médiateurs qui seront chargés de faire vivre la médiation sur le terrain ? Doit-on tout donner aux exploitants futurs ? Doit-on limiter l'information et pourquoi ?

Des idées à ne pas jeter

En effet, tous les éléments d'une séance particulière (réelle ou imaginée par le concepteur) ne sont pas forcément nécessaires au bon fonctionnement de l'ensemble des séances. Seuls certains points, certains objets, certains contenus, certains échanges, certaines caractéristiques, certains objectifs … sont vitaux et constitutifs de ce qu'est l'offre de médiation dans sa globalité. Ces éléments forment le socle commun à toutes les séances réalisées avec les publics. Le reste, ce qui n'est pas imposé et qui varie d'une séance à l'autre, constitue en fait le principal avantage de la médiation face-public. C'est son adaptabilité. Ce sont les marges de manœuvre laissées aux médiateurs qui réalisent les séances pour que celles-ci soient en phase avec la réalité du terrain et des publics et qu'elles atteignent les objectifs envisagés.
Pourtant, le concepteur, « dans son bureau », imagine bien souvent une séance complète avec ses situations particulières, avec des discours précis, ses objets montrés, ses anecdotes placées, voir des réactions envisagées de la part des publics... Cette séance imaginée doit ensuite être épurée de ce qui n'est pas nécessaire et qui laissera la place à l'adaptation. Mais plutôt que d'abandonner cette « séance toute faite » lors du passage à la rédaction des outils et descriptifs des futures séances, il peut être très utile de les « coucher sur le papier ». En effet, ces outils « exemples » peuvent devenir des supports très utiles pour la formation.

Des outils de formation trop "léger"

Prenons le cas d'une offre qui laisse une grande part d'interprétation et d'adaptation aux médiateurs, comme peuvent l'être des ateliers pratiques ou des médiations avec des phases de débats. Dans ce cas, les descriptifs de la médiation sont volontairement très « libertaires ». Ils résument les quelques passages obligés, contenus à aborder, objectifs en terme de participations … bref le contrat de réalisation de la médiation. Mais ils le font de façon volontairement limitée pour laisser la place à la réalité de la situation vécue par le médiateur, à son interprétation de la médiation et surtout à ce que seront ses publics et leurs participations.
L'inconvénient pour le futur médiateur est que la prise en main de ce type de médiation en devient beaucoup plus longue et difficile. Les « trous » empêchent le médiateur de se « projeter en situation ». C'est d'autant plus le cas quand ce médiateur n'a pas l'habitude de lire ce type d'outils. Ces « trous » peuvent aussi laisser certains contenus inexpliqués ou sans solution de médiation a priori, que le médiateur en formation devra alors combler lui-même. Enfin, cette liberté d'interprétation obligera aussi le médiateur en formation à se construire ses propres discours, anecdotes ou interactions aux publics alors même qu'il n'aurait pas forcément refusé l'aide d'exemples déjà éprouvés.

2 outils différents

Il existe une solution simple pour garantir d'avoir des supports descriptifs de la médiation et contractualisant de celle-ci qui ne soient pas trop contraignants sans pour autant laisser le médiateur en formation seul face à trop d'inconnus. Il s'agit de donner 2 outils clairement distincts ayant 2 fonctions clairement identifiées. Le premier constitue la base de ce qui doit être fait, ce qui constitue le cadre de réalisation de la médiation, ce qui finalement définit le socle minimal (et commun) de toutes les futures séances. C'est le contrat de ce qui doit être fait et c'est ce que j'appelle le descriptif de la Séance-Type. Le deuxième est un, ou plusieurs, descriptif beaucoup plus détaillé qui va expliquer « par le menu » l'intégralité des actions, discours du médiateur et réactions des publics d'une séance particulière (et imaginée voire fantasmée par le concepteur). Ce deuxième support est alors un exemple, une aide de ce qu'il est possible de réaliser (ou penser comme tel) pour atteindre les objectifs et respecter les contraintes imposées par le contrat. Mais il ne s'agit que d'une façon de faire.

Un support « exemple » qui n'est pas sans risque

Si l'existence de ces 2 types de supports peut sembler être une évidence pour certain, il convient toutefois d'y prendre garde. En effet, du fait de la richesse et de la facilité offerte par l'exemple détaillé, on a vite fait dans une démarche de formation de n'utiliser plus que ce support « exemple ». A force d'habitude, ce support devient vite la seule référence de la médiation y compris dans des situations hors formation (évaluation, réactivation d'une médiation, travail interservice ...). Or ce support n'est pas fait pour cela et comporte plusieurs défauts.

En tant qu'histoire complète, le support « exemple » ne donne aucune indication aux médiateurs sur ce qui est adaptable ou à adapter et le laisse ainsi découvrir seul, sur le terrain (et souvent dans la douleur) les moments de l'improvisation, de la réaction à l'environnement ou à son public.

Parce qu'elles sont identifiées par chacun sur des séances particulières, les marges de manœuvre, les parties changeantes de l'offre risquent de ne pas être les mêmes d'un médiateur à l'autre. Cela induit qu'à l'usage les différentes séances réalisées par différents médiateurs peuvent très bien voir leurs parties communes diminuer de façon importante. Or ces traits communs définissent l'offre dans sa globalité et notamment pour les autres professionnels qui ne réalisent pas l'offre mais sont appelés à s'en servir (vente, com', accompagnateur préparant la visite, évaluateur …). Avec un socle commun amoindri, voire inexistant, la tâche de ces personnes risque de devenir tout simplement impossible.

Enfin, et c'est le défaut qui se constate le plus vite sur le terrain, le support « exemple » s'il est très utile en primo-formation, devient complètement inutilisable par la suite. En effet, pour différentes raisons, les médiateurs peuvent avoir besoin de « relire » les descriptifs d'une médiation. C'est le cas dans les premières périodes de réalisation de l'offre quand celle-ci n'est pas encore pleinement maîtrisée ou lorsque le médiateur doit refaire une médiation qu'il n'a pas assurée depuis longtemps. Dans ces cas de figure, le médiateur n'a pas forcément tout le temps nécessaire à la lecture et à l'analyse d'un « exemple complet » de la médiation. L'identification de ce qui lui est nécessaire sera particulièrement difficile sur ces supports « exemples » alors que cela correspond justement aux contenus des descriptifs de la Séance-Type.

Conclusion

En conclusion, on peut donc retenir l'intérêt d'avoir différents supports descriptifs d'une offre notamment pour la formation avant ou pendant l'exploitation. Mais il faut se garder d'abord d'imaginer que l'un ou l'autre de ces descriptifs puisse répondre à tous les besoins d'information sur l'offre (il n'y a pas que la formation). Ensuite il est important de maintenir la présence d'un document cadre, contractualisant ce qui doit être commun à toutes les séances d'une même offre et définissant « en creux » les libertés offertes au médiateur pour assurer au mieux ses missions.

Enfin, il faut noter que le prérequis à tout cela reste la bonne compréhension par tous les usagers de ces différents descriptifs (concepteur, exploitant, et autres), des objectifs et limites de chaque outil.

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